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JUI 07

Le désir d'entreprendre

L'été est propice aux séminaires pour préparer la rentrée, organiser l'action. C'est aussi un temps pour la vacance...

Il y a quelques jours, un réseau de coachs me demande d'intervenir dans son séminaire d'été ; l'enjeu est clé : "favoriser la mise en action concrète autour de plans d'actions commerciaux."
Mon intervention doit prendre la forme d'un témoignage pour "susciter des déclics, déclencher l'envie d'entreprendre en équipe..."
Plus de quinze consultants participeront à cette séance et je disposerai de 2 heures.

Je partage alors mon inconfort : la posture d'intervenant-témoin m'investit du pouvoir de susciter le désir ; mais je n'ai pas ce pouvoir. Et, sur le fond, rencontrer des prospects, entreprendre, vendre, c'est "aller à la rencontre du monde" : c'est souvent un désir et parfois une peur...
Je propose alors de procéder "à l'envers" : travailler à partir du désir et des freins de chacun. Autrement dit, animer la séance comme un "coaching individuel en groupe" (*).
La formule m'est naturelle mais je ne sais la décrire qu'en creux : ce n'est ni une formation, ni du conseil, ni un groupe de parole, ni du coaching d'équipe...
Ce portrait chinois suscite souvent le désir d'expérimenter chez les clients innovateurs. C'est ma manière d'aller dans le monde, de pratiquer et partager mon art : susciter l'envie d'explorer l'inconnu. 
Nous créons alors une invitation avec une question inédite : "Quelle situation j'aimerais partager et travailler en groupe de pairs, une situation réelle qui parle de mon désir ou de ma peur d'entreprendre ?"
La question est confusante et, en même temps, elle ouvre sur le désir et les freins de chacun : parler de sa réalité ou d'un projet, échanger entre pairs, rouler utile...

La séance a été un beau moment, mélange de rencontres et d'émotions, dans la densité de l'instant.
Voici un extrait du feedback que j'ai partagé avec le co-animateur de ce séminaire :
« Des participants m'ont écrit combien "ce qui s'est mis en place est subtil", a "drainé toutes mes ressources", a "libéré de la puissance" qui "s'auto-alimente"... Autant de signes sur les désirs de votre groupe.
Les trois situations travaillées pendant la séance offrent des pistes précieuses pour déclencher, ou plutôt, pour prendre soin du désir d'entreprendre déjà présent.
La première demande, autour du "désir d'intimité", ouvre sur un autre besoin : "être reconnu et accepté dans le groupe". La confiance qui s'est installée et le travail dans l'ici-maintenant ont permis de vivre ces besoins, simplement.
La deuxième demande sur la "vulnérabilité" m'a profondément touché ; la qualité d'accueil du groupe aussi. Notre cheminement montre qu'une peur et une fêlure peuvent aussi découvrir une envie et une ressource...
Enfin, la demande sur "la relation à l'argent dans le réseau" a permis de détricoter un enjeu sensible : derrière la question "quel retour sur investissement pour mon adhésion au réseau ?" émerge une énergie plus fructueuse : "comment vendre plus et ensemble ?"
La figure émergente de cette journée est pour moi "un espace ressource" où chacun peut parler de ses besoins et de ses peurs, en confiance.
Cela peut sembler contradictoire avec l'objectif de "passer à l'action". Le paradoxe n'est qu'apparent : c'est peut-être parce que votre groupe sait se créer un espace et un temps privilégié qu'il peut traverser ses peurs, découvrir et conjuguer ses ressources… »

Le "pouvoir du coach" est peut-être simplement ici : ouvrir des espaces avec son client, créer un mouvement entre des polarités différentes, de la maîtrise du futur vers l'expérience du moment présent, de la conquête du monde vers la découverte des ressources de chacun...

(*) J'aime créer des noms inédits pour cette formule innovante de "coaching en groupe" : "Coaching tribal", "GAPs" ou Groupe d'Analyse de Pratiques... Et je pratique avec bonheur cette nouvelle forme d'apprentissage avec différents "métiers impossibles" : dirigeants, médecins, coachs, consultants... 

Quelques repères didactiques :

  • Systémique : Pour construire l'intervention, je fais l'hypothèse que le groupe est déjà compétent et que chacun a le désir d'entreprendre.
    Plutôt qu'apporter mon témoignage de l'extérieur, j'anime un processus pour partager les ressorts de ce désir,
    en groupe de pairs.
  • Gestalt : Se projeter dans le futur avec des plans d'actions commerciaux est certes stimulant ; c'est aussi passer à côté des sources du désir, ici-maintenant et pour chacun. J'accompagne chacun dans sa demande, d'abord en individuel en explorant ses résonances, ses angles morts. Les problématiques qui émergent sont souvent vécues par plusieurs consultants dans le groupe ; l'animation permet de progresser ensemble.
  • Psy : Entreprendre, rencontrer des prospects, vendre, c'est "aller dans le monde..." Ce passage questionne chacun sur son niveau d'individuation, ses limites… Le groupe fonctionne alors comme une "matrice" où chacun peut développer ses ressources pour rencontrer le monde… La demande autour du besoin d'intimité montre aussi que le groupe est une "métaphore du monde" : il expose chacun au regard de l'autre. Le GAPs fonctionne alors comme un "espace transitionnel" qui permet de prendre conscience de ses besoins, formuler une demande, expérimenter...
Pour en savoir plus :
  • Sur le postulat de compétence : Guy Ausloos, "La compétence des familles. Temps, Chaos et processus". Editions Eres. L'auteur propose de considérer les compétences des groupes humains, plutôt que s'arrêter à leurs problèmes, et d'élaborer un art dans l'intervention non une accumulation de techniques.