Pendant toute la séance, un après midi d'hiver, elle a porté une peau d'âne tachée et déchirée. Et un bonnet d'âne découvert là dans la malle en osier parmi les peluches, des bottes de sept lieues, une paire de menottes et des étoiles filantes. Et puis elle a paradé, crié, fait des galipettes ou des grimaces devant chacun de nous.
Au début j'étais triste pour elle. Un peu chamboulé aussi. Pourquoi cette mise en scène si cruelle ?
Parce que sa vie était ratée, nous disait-elle, toute sa vie jusqu'à ce jour.
Et parce que cette manière singulière d'aller au bout du bout de la plainte était une voie possible pour changer, nous disait celle qui nous accompagnait, en toboggan ou en rappel, dans nos abysses ou au sixième étage du ciel.
Et parce que jusqu'alors elle avait pris soin de caresser la jeune femme dans le sens des poils. Elle l'avait souvent bercée aussi, tout contre elle. Ces instants sont doux mais perdus à jamais.
Alors cet après midi-là, elle a aimé engager avec elle un duel sans pitié et sans merci, comme une guérilla intérieure.
Aujourd'hui, la femme à la peau d'âne a quitté l'homme avec lequel elle s'ennuyait à mourir (celui qu'elle n'avait pas su réparer). Et puis, comme on gratte une grille de loterie un soir de printemps, elle a effacé son nom et son prénom sur ses papiers ; et elle est partie là-bas, au bord de l'océan, créer une école de cirque pour les coachs.
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