30
NOV 18

Dresseur de loulous

Il y avait un mouton tout seul au milieu du champ. Une brebis égarée comme on dit. Et la nuit était en train de tomber. Snow, ton loulou de Poméranie, a voulu faire comme les chiens du berger. Aboyer, courir après la bête pour la ramener je ne sais où. Mais tout s'est retourné, la brebis a chargé ton chien et puis elle a pris le sentier creux vers la forêt. Au petit trot.

La nuit était déjà dans le bois et j'étais un peu inquiet pour l'animal. Je préviendrai le berger tout à l'heure, je me suis dit, et puis j'ai continué sur le chemin entre les champs. Snow a voulu jouer à la bagarre avec moi. Pour se défouler peut-être après son histoire avec la brebis. J'ai cherché, j'ai trouvé un bâton bien fait pour ça. Attaque ! je lui ai dit comme si j'étais dresseur de loulous. Elle s'est bien accroché à la branche que je tenais, grognant comme jamais, ne lâchant rien, même suspendue en l'air. 

16
SEP 17

C'est pas pour les chiens

Partager la compagnie de Little Snow, ton loulou de Poméranie, tous les jours pendant plus d'un mois, finalement ça m'a aidé. Oui, ça m'a fait vraiment lâcher "Fais le beau, Attaque !" mon autofiction avec toutes ces histoires de chiens et d'enfance que je me racontais et que je voulais raconter. Et c'est bien parce que ça finissait par tourner en rond tout ça. En plus, c'était un été sans miroir alors j'ai perdu l'habitude de me regarder pour essayer de faire le beau.

Il y a eu juste un épisode sensible un soir avec toi. C'était comme une rechute, un retour en arrière. En accéléré. Ce jour-là, j'avais été attaqué par des puces sur le ventre et sur les cuisses et ça me démangeait beaucoup. Pourtant j'ai bien coupé mes poils sur tout le corps, ce n'est pas genre épilation définitive comme c'est la mode en ce moment, mais je ressemble moins à un chien comme ça. 

01
JUN 17

L'histoire sur le bout de la langue

"Dis, des fois, tu pourrais me donner un baiser doux ?" 
Tu me demandes ça parce que, là, je viens de t'embrasser et je vois bien que je fais un peu comme un chien. Oui, je te mords ou je te lèche. Et, des fois, je fais les deux à la fois parce que j'aime beaucoup le goût si particulier de ta peau sur le bout de ma langue et la sensation de ta chair entre mes dents. 
Et donc c'est vrai, ce n'est pas très doux. Mais, jusqu'à présent, je n'avais pas vraiment remarqué ma manière de faire. C'est peut-être par réflexe ou bien écrit dans une mémoire des origines.

Et je me demande s'il existe un art du baiser ? Le donner et le recevoir ? Et comment ça s'apprend alors ?

Moi, si je t'embrasse ainsi c'est aussi parce que de plus en plus souvent tu as Little Snow avec toi. C'est un chien, enfin une jeune chienne, avec un pelage tout blanc, très soyeux, et qui ressemble à un renard des neiges. Et quand vous vous câlinez toutes les deux, je te regarde faire, par en dessous. 

12
AVR 17

Garder trace du passage

– Dis, tu sais, tous ces poils partout sur ton corps, sur ta peau, un peu comme un animal ?
Tu me dis ça et, en même temps, tu fourrages, tu t'emmêles le bout des doigts et tu te mets à grogner, comme si tu retrouvais soudain un peu de ta part animale à toi. Tu fais ça aussi avec ton chien. Au début, je te regardais par en-dessous parce que ça me rendait jaloux. Mais j'ai parlé de ça sur le divan et j'ai découvert que ça me ramenait directement au milieu de la meute de mon enfance avec les animaux et les autres enfants, et donc aujourd'hui ça s'est un peu apaisé. Et toi, tu continues sur le fil de tes idées :
– C'est comme un pelage, tu sais ?
– Oui ? je te réponds parce que je ne sais pas trop où tu vas en venir. Et je te laisse faire.

16
MAR 17

Je ne veux pas que tu mordes

– Tiens, il y a un magasin Biocoop, là, je te dis.
C'est juste après la conférence psy "L'enfant qui mord, qui tape ou qui casse". Et, là, on va partir en week-end à la campagne.
– Attends-moi un instant alors, j'ajoute. Oui, je vais acheter du pain pour ce soir et puis on file.
Tu me dis oui, à tout de suite, tu aimes m'embrasser un instant et tu commences à consulter Mappy pour éviter les embouteillages. (Avec le mode trafic en temps réel, c'est vraiment bien Mappy parce que toi et moi on a chacun un itinéraire préféré et des intuitions qui ne collent pas. Mais si on laisse le GPS nous guider avec l'envie partagée d'aller au plus vite, ça objective et on n'a plus besoin de se chipouiller.)

Et donc je file vers la Biocoop. Mais, une fois dans la boutique, tout commence à aller de travers. 

04
JAN 17

Sur le fil de la vie quotidienne

Je ne sais plus trop comment ni pourquoi j'en arrive à lui raconter ça mais là je suis en train de lui dire que le matin, sous la douche, j'aime bien prendre le temps de me savonner le dessous et puis le bout de mes pieds, et bien sûr alors ça m'oblige à me contorsionner et me tenir en équilibre – sur un pied et puis sur l'autre –, mais j'aime ça parce que sinon c'est comme si je ne m'étais pas lavé. Enfin seulement à moitié.

– Mais tu sais, elle me dit, quand tu fais ça c'est comme si tu étais encore un bébé parce que c'est plutôt avec les bébés que l'on fait ça, et alors c'est comme la marque de l'infantile encore en toi !

09
DéC 16

Jeux en société

Je ne sais plus trop pourquoi mais, un beau jour, les choses ont fini par mal tourner avec Anastasia D. Oui, ça faisait presque deux années que je venais, comme ça, un jour ou l'autre de la semaine. J'avais travaillé sur une idée de carte orange pour Lille et sa région et puis sur un système de transport pour les personnes handicapées à Amiens. Et c'était surtout les sondages qui tournaient bien. Le développeur de QUESTIONS ® se régalait avec moi parce que je forçais un peu trop son logiciel, alors ça buggait et ça l'obligeait à ne rien laisser au hasard. C'est comme si je voulais toujours pousser les choses à bout. Et, surtout les gens derrière les choses. C'était même une forme de bagarre avec lui, mais ça ne le gênait pas, bien au contraire. Il augmentait ainsi la résistance de son logiciel et il ajoutait des subtilités inimaginables auparavant.

Et tout ça me revient aujourd'hui sous le signe de la bagarre alors que je m'étais toujours raconté cette histoire-là sur un mode glamour, genre premières découvertes et créations en entreprise.

24
NOV 16

Des liens avec l'envers des choses

"Danser devant le buffet", "Accoucher d'une souris", "Passer sous les fourches caudines" C'est Anastasia D, la directrice du cabinet d'études, qui sortait ces formules très imagées. Au début, j'ai cru que c'était de la poésie surréaliste ou bien des énigmes, mais ça revenait souvent alors j'ai compris que c'était des expressions populaires. Je ne connaissais pas cette manière de parler. C'était comme une nouvelle langue étrangère bien plus vivante que le latin de messe.
Anastasia D sortait ça à la mairie d'Amiens ou de Villejuif, à la SNCF ou au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. Je l'accompagnais pour m'imprégner des problèmes de mobilité dans les villes et tout autour. Parfois on allait aussi au Parti Communiste parce qu'elle faisait du conseil en communication.
Hugues O, son fils, venait aussi. Il était sociologue, il parlait avec beaucoup de savance et il écrivait plein de rapports sur les gens et leurs stratégies de déplacement, seuls ou tous ensemble. Il noircissait des pages et des pages pour la secrétaire, comme s'il faisait une thèse à chaque fois. Il réfléchissait beaucoup aussi et il fumait tout autant dans son petit bureau qui était comme une chambre à côté de sa mère.

06
NOV 16

La langue des histoires

« Fais le beau, Attaque ! », mon histoire en écriture, ça continue. Un nouvel épisode, là.

Et d'abord, quelques lignes sur le feuilleton précédent : « Côté passager »

Dans la voiture du frère dominicain, sur le chemin vers la Dordogne, je voyageais aussi dans ma tête. Des souvenirs de rodéo dans une Jeep de l'armée, un passage éclair dans une école pour moniteurs d'auto-école et aussi un accident avec ma mère, dans sa Renault 14. Le coté passager c'est aussi la place du mort mais je l'ai échappé belle, là.
Arrivé à Mézels, dans la chapelle, j'ai découvert un étrange rituel pour les postulants au noviciat. Alors, après ça, j'étais impatient de rentrer à Paris.

 

21
OCT 16

Côté passager

Un nouvel épisode de mon autofiction en écriture, "Fais le beau, Attaque !"

Et juste avant, là, quelques mots sur le feuilleton précédent "Ça pique mais c'est bon" :

J'ai récupéré l'avis d'impôt de mes parents sans effraction et j'ai obtenu une bourse d'études sans souci. 
Le père dominicain m'imaginait devenir critique d'art, un peu comme ma mère me voulait pilote de ligne ou général d'armée. Et là, je pars en Dordogne avec lui, dans sa résidence d'artistes.

 

06
OCT 16

Ça pique mais c'est bon

Mon autofiction en écriture, "Fais le beau, Attaque !", se déplie comme un feuilleton à présent ; et, là, ça continue.

Si vous avez raté "Aussi tabou que l'amour", l'épisode précédent :

J'étais en fac de sciences éco et j'ai découvert que je pouvais peut-être avoir une bourse d'étudiant, alors j'ai voulu mettre mon nez dans les histoires d'argent de mes parents.
Et 
entre deux cours, en faisant le ménage, j'ai rencontré un père dominicain qui tenait une galerie d'art, au bout du pont de l'Archevêché

25
SEP 16

Aussi tabou que l'amour

"Les belles vitres font les belles lumières." Il m'avait écrit ça sur une carte de sa galerie d'art. Les lumières c'était celles d'un matin d'automne, avec le soleil dans les arbres et Notre-Dame juste en face. Il avait signé Frère Gilles parce qu'il était dominicain. Il n'avait aucun autre signe extérieur de son alliance avec Dieu et je l'ai imaginé un instant au beau milieu d'un monastère, en chasuble ou en robe de bure, avec ceinture de chanvre et sandales. Et peut-être avec quelques autres de sa confrérie. 

Moi, je venais de laver l'immense baie vitrée et les portes de verre de la galerie. Dedans-dehors, enfin dehors et puis dedans. 
Ce job d'un instant ça venait d'une agence chic à deux pas du Trocadéro qui proposait aux étudiants des missions genre coursier, homme de ménage ou chauffeur de maître pour des gens chics aussi. Ces gens-là me demandaient à nouveau et me recommandaient entre eux, alors je passais pas mal de temps comme ça, entre les cours en amphi et les TD à la fac, avec le sceau, la raclette ou l'aspirateur à la main.

Il y avait aussi le samedi soir, dans des châteaux de famille, pour les cousinades ou les mariages de jeunes filles avec chevalière et robe en organza de soie. Et moi j'étais dans les coulisses avec le champagne et les petits fours salés et puis sucrés.

14
SEP 16

C'est pas étanche

Avec mon projet d'autofiction, "Fais le beau, Attaque !", je croyais que je n'aurais plus besoin d'écrire sur le divan, enfin sur les séances avec ma psy (d'ailleurs, je ne sais toujours pas pourquoi j'ai ce besoin-là). Et l'autre soir, comme c'était la rentrée, forcément je l'ai revue et alors c'est comme si je faisais une rechute, là.

C'est dommage parce que je voulais continuer avec mes histoires plus actuelles, genre Ambiance manivelle à la Biocoop. Oui, ce matin-là de l'été quand j'ai fait un détour par le magasin bio, en Simca avec Eva, et que je suis tombé sur le camionneur fou.

Pourtant, écrire comme ça c'était une manière de commencer à laisser derrière moi mes années d'enfance avec toutes les histoires de dressage. Mais, il y a toujours des histoires de chien dans ma vie et puis l'inconscient qui pulse à tire larigot. Je ne suis pas maître en ma demeure.