06
MAR 17

Le couple et sa sexualité

"Si le couple va mal c'est parce que faire couple n'est pas naturel ! Non, ce n'est pas dans notre nature, ni chez les humains ni chez les animaux. C'est même pathogène souvent." C'est Philippe Brenot, psychiatre et anthropologue, qui racontait ça l'autre soir lors d'un cycle de conférences sur "La vie du couple" et pour les Séminaires Psychanalytiques de Paris.
Et je m'intéresse de près et depuis toujours, je crois, à ces questions d'alliance. Oui, à ce "mouvement collectif à deux", mystérieux et depuis les origines. (J'en parle beaucoup entre les lignes ou en direct dans mon autofiction, ici ainsi : Bricoler ou faire l'amour). 

"Et le huis-clos entre un homme et une femme c'est terrible car l'autre devient le punching-ball de tous les conflits intimes de l'un. Et vice versa." ajoutait le psy. Philippe Brenot est aussi écrivain et il écrit beaucoup, plus de 40 ouvrages dont "Inventer le couple, Les Hommes, le Sexe et l’Amour".
Pour lui, écrire est un métier à mi-temps. Et une manière de se poser un instant dans sa clinique, dans ses travaux de recherche.
Il vient 
aussi de publier Sex Story, "la première histoire de la sexualité en BD".

Autre idée décalée : la sexualité est apprise ! Oui, en particulier par le regard et par soi-même (auto-érotisme). Notre construction psychique définit notre sexualité qui parfois ne peut se faire.

Quelques notes de cette conférence, "Le couple et sa sexualité" ; mes notes personnelles et un peu décousues ainsi.
 

Adam et Eve. À l'origine de l'humanité le couple n'existe pas car l'espèce humaine n'est pas naturellement monogame.
Chez les animaux non plus. Enfin, c'est vrai qu'on voit parfois des couples chez les éléphants ou les singes,  mais alors c'est… dans les livres pour enfants.
Chez les grands singes, en milieu naturel, les femelles sont avec les petits et les mâles sont des électrons libres. Chacun pourvoyant à ses besoins.

Nous sommes une espèce qui n'est pas faite pour faire couple. Il y a bien sûr des forces "centripètes", qui créent des liens : confessionnel, civil, charnel, affectif, d'estime.
Mais aussi beaucoup de forces centrifuges qui éloignent du couple. Juste un exemple : Gleeden, "premier site de rencontres extra-conjugales pour personnes mariées infidèles" !

Se mettre en ménage. "Les gens ne vivraient pas en couple s'ils n'en avaient pas entendu parler". Adam Phillips dans Monogamie.

Et là un lien, un peu ancien mais intéressant, vers ce psychanalyste britannique : Adam phillips, prescrit une dose de folie.

Il y a encore cinquante ans le mot couple n'existait pas. Non, on disait "un ménage", "jeune ménage", "se mettre en ménage", etc.
Donc, le couple n'existe pas. C'est appris. Et le mariage permet surtout de résoudre le problème de la filiation pour l'homme. Et, en même temps, il s'accompagne de violence et de la domination masculine sur la femme.
Chez les animaux, c'est toujours la femelle qui est à l'initiative du coït. Oui, quand elle est en chaleur.
(J'ai l'impression que ce n'est pas vrai pour les poules : à la campagne, je vois bien que c'est le coq qui se jette toujours sur les femelles. Et cela en toute saison).

Pas de psychopathologie du couple. Avant, il y a cinquante ans, l'homme et la femme ne se retrouvaient pas face à face. Et parce que le couple n'est pas naturel, il est pathogène au fond. Et donc il n'y a pas de psychopathologie du couple.
Et puis, avec l'allongement de la durée de nos vies, il y a une question lancinante : "Vais-je mourir seul/seule ?"
"Comment faire durer votre couple ?" C'est un marronnier à la une des magazines.
Une piste possible alors : Inventer un nouveau couple avec le même couple ! Un couple amoureux.
Mais les couples ne cherchent pas à faire un couple amoureux. Non, ils cherchent un couple passionnel. C'est ça la quête au fond. Mais la passion n'est que momentanée. Oui, ce qui est extraordinaire n'est qu'exceptionnel !
Certains couples réussissent à réactiver la passion.
Lire à ce sujet Francesco Alberoni, un sociologue qui a écrit sur le fait de tomber amoureux : l'énamoration, "l'état naissant d'un mouvement collectif à deux".

Il y a de nombreux couples qui tombent dans le "familier". Oui, ils dorment ensemble ou pas, mais ne se touchent plus depuis des années. Ça devient familier et le familier c'est un peu comme la cousine que l'on prend dans ses bras sans ambiguïté ni excitation.

Plusieurs formes de conjugalité. Des sociologues ont récemment mis en évidence cinq types de couple, enfin cinq grands styles d'interaction, de conjugalité : Association, Bastion, Compagnon, Cocon et Parallèle.

Ce n''était pas dans la conférence ça, mais l'un de ces sociologues était l'invité de La Tête au Carré, sur France Inter, avec Philippe Brenot et j'avais bien aimé écouter aussi :

« Pour un sociologue, la mise en couple table sur la question de la création d'une culture commune à partir de deux cultures individuelles. Les conjoints proviennent de deux milieux familiaux, amicaux, séparés, différents et ils doivent se mettre ensemble, réussir à créer un certains nombre de normes et de valeurs communes qui leur permettront de faire face à ces séismes que sont l'arrivée des enfants, les problèmes professionnels, les maladies, la mise à la retraite. Si cette culture ne se créée pas alors toutes ces étapes-là seront plus compliquées… »
Mesure et démesure du couple | Jean Kellerhals et Eric Widmer et René Levy. Editions Payot & Rivages

La sexualité est apprise. Un singe placé dans un milieu où il n'est au contact d'aucun stimuli sexuel exterieur n'aura pas de sexualité.
Notre zone génitale est potentiellement érotisable mais les interdits l'influencent et nos apprentissages peuvent enrayer ce potentiel-là. C'est même parfois cassé à jamais.

Aujourd'hui le porno représente 25% du flux mondial sur Internet. Et les ados ont ça en direct sur leur mobile. C'est l'une des formes d'apprentissage hélas. C'est mécanique, et c'est toujours la même séquence.
Les difficultés du sexuel ce sont les difficultés du sensuel.

« Vous êtes un photographe cruel de notre intimité ! » a résumé JD NASIO à la fin de la conférence.

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