03
JUI 22

Faux-contact

Je ne sais pas pour vous mais, l'autre jour et puis une autre fois, comme je voulais un clafoutis, j'ai cherché sur Google. La 1ère fois c'était sur marmiton.org, mais entre la farine et le lait, il y avait plein de clips de pub. Entre les œufs et le beurre aussi. Bien sûr je coupe toujours le son et je floute mon regard, mais ça me brouille en retour.
Alors, la fois d'après, j'ai essayé avec lejournaldesfemmes.fr. C'est tout un monde ce nom-là. C'était moins pire mais c'était bizarre de découvrir au bout du compte que je n'avais pas vraiment la mémoire de tout ça. Des ingrédients, des proportions, de la manière de faire. Ni dans la tête ni dans le corps. Comme si les choses ne s'étaient pas inscrites.

C'est comme les consultations par Zoom, j'ai pensé. Oui, je fais pas trop ça, sauf en coaching quand les gens veulent pas bouger. Et parce que c'est comme regarder un porno je trouve. Il n'y a pas de corps à corps, ni d'odeurs. C'est du faux-contact littéralement. Sans tous les ratés, les embrouilles et le trouble qui font que, de séance en séance, cahin caha, le lien se tricote. 

Bref. Hier, je voulais encore du clafoutis. Cette fois je vais prendre un stylo plume et une petite fiche cartonnée, je me suis dit. Oui, je suis retourné un instant sur le journal des femmes et j'ai recopié la recette, ajusté des proportions, converti des poids en volume pour que ça rentre dans le verre à mesure. J'ai aussi ajouté un peu d'alcool. Et, c'est fou, je sentais bien alors que je commençais à avoir dans la peau, dans le corps, une manière de faire le clafoutis.

Plus tard, j'ai parlé de ça avec Eva, comme pour ouvrir son journal à elle, son journal de femme. 
Et visiblement, ce n'est pas un souci pour elle. Elle capte, elle retient ce qu'elle veut à l'écran et elle ne voit pas vraiment les pubs me dit-elle. C'est pas des histoires de douance comme c'est la mode en ce moment. Non, tout ça parce qu'à l'origine pour elle, les choses disparaissaient. On lui prenait tout, le plus sensible, l'intime, sans trop de logique a priori.

Ça m'a replongé dans mes coulisses à moi, dans la cuisine de l'enfance. Je me souviens que c'était déjà compliqué d'attraper le savoir-faire de ma mère, ses recettes.