12
DéC 07

Dans l'intimité du coaching

J'ai beaucoup de plaisir à partager en primeur, ici, la "quatrième de couverture" du livre qui paraîtra fin janvier chez Démos : "Dans l'intimité du coaching".
Ces quelques lignes me sont venues une fois le voyage terminé, comme dans un coaching le sens n'émerge parfois qu'à la fin du parcours.
Merci aux amis qui m'ont encouragé et aux
internautes qui m'ont offert leur retour au fil des escales d'un premier voyage publié sur le site de Médiat-Coaching : "Voyage au pays du changement" avec Xavier Lacaze, spécialiste RH et coach à la SNCF.
J'ai maintenant envie d'écrire un autre livre pour aller plus au cœur de ce métier cet art qui permet de créer à deux et plus…

« De la première rencontre entre le client et son coach, souvent bousculante, jusqu'à la clôture du coaching, parfois délicate, en passant par les séances cruciales, ce livre nous plonge au cœur de deux "métiers impossibles" : diriger et accompagner dans le changement.
Impossibles car ces métiers sont garantis "d'emblée d'un succès insuffisant" et confrontés aux nouvelles formes du pouvoir en entreprise : fusion, compétition, management en réseau...
Au travers d'histoires qui se lisent comme des nouvelles, l'ouvrage aborde des questions délicates en écho aux pressions existentielles de chaque être humain : la solitude, la quête de sens, l'imperfection, la finitude et la responsabilité.
Chaque histoire est accompagnée d'éclairages sur l'expérience intime du coach dans les instants critiques et créatifs : ses résonances, ses projections, ses peurs, ses démons personnels, ses intuitions...
Un livre qui montre qu'au-delà de la maîtrise des outils, le coaching est aussi un art : l'art de rencontrer chaque client dans sa singularité, l'art de la présence à soi et de la
relation à l'autre, l'art d'apprendre ensemble. »

Je partage aussi en primeur ici l'extrait d'un autre ouvrage collectif
sous la direction de Frank Bournois, Thierry Chavel et Alain Filleron : Le grand livre du coaching co-écrit avec des intervenants du D.U Coaching de Paris 2 et qui paraîtra bientôt aux Editions d'Organisation.

Au cœur du changement, les anges et les démons du coach...

Créer l'alliance du changement dans le non-changement
« Merci de me servir à nouveau du thé… »
C'est ainsi que Barbara me sollicite, brusquement, au détour de ses questions pour ce coaching : « Reprendre une direction de la communication dans un grand groupe ? Continuer de sous-traiter pour une agence prestigieuse ? Travailler en réseau avec des consultants ? … ? »
C'est notre première séance. Jusqu'alors je nous servais le thé, naturellement, sans y prêter attention. La demande est soudaine et sonne pour moi comme une injonction. Elle me semble bien décalée avec la position basse de ma cliente pendant toute la séance.
Pourtant, je crois percevoir un écho à notre entretien préalable : comme un désir inexprimé, contenu… Un instant, je contacte une crainte : et si l'invitation à servir rimait avec asservir ?! Je mets de côté mon vieux démon que je connais bien.
Il nous reste moins de quinze minutes et j'ai la sensation désagréable de tourner en rond depuis plus d'une heure. Plusieurs fois j'ai nommé mon impuissance pour tenter de changer la relation. En vain !
Je cherche maintenant d'autres clés ou une tâche à prescrire pour l'interséance… Je connais bien aussi ce besoin d'intervention "stratégique" quand je touche mes limites. Je sais aussi qu'il me suffit d'accepter l'impuissance, la nommer et l'amplifier en conscience. Créer l'alliance du changement, c'est faire alliance avec ce qui se crée, y compris un apparent non-changement. L'impuissance du coach devient alors une compétence.

Le maître de séance n'est pas celui qu'on croit
Barbara renouvelle sa demande, sans un mot, en glissant sa tasse vers moi. Je cherchais une prescription pour l'après séance et Barbara m'invite à travailler avec ce qui est là sous mon nez, maintenant !
Amusé, je partage ma surprise :
- Hier, un client se servait selon son envie, sans préséance… Un autre m'a demandé la permission… Une autre encore, dirigeante comme vous, prend plaisir à me servir en même temps qu'elle.
Barbara me répond du tac au tac :
- Mais, pour moi, c'est vous qui êtes le maître de céans, non !?
- Il y a peut-être une autre lecture, si nous regardons la relation.
- Que voulez-vous dire ?!
- Barbara, plutôt que le dire, je vous propose de le vivre ensemble. Je vais vous servir et vous prendrez le temps de ressentir. Juste ressentir ce qui se passe pour vous…
Je verse lentement le thé et je vois Barbara esquisser un sourire, croiser mon regard puis retenir son sourire.
- Pourriez-vous mettre des mots sur ce qui se passe ?
- Et bien, je réalise que chez moi aussi, j'organise tout pour être servie !
- Le maître de séance n'est pas toujours celui qu'on croit… Et votre ressenti ?
- Plutôt du plaisir !!
J'apporte ici un éclairage sur des polarités qui animent chacun de nous : dirigeant-dirigé, dominant-dominé… Et aussi le plaisir qui peut accompagner chaque position lorsqu'elle se prend en conscience, en complémentarité, et pourquoi pas, dans le jeu de l'alternance !

Mais qui dirige qui ?
J'explore un pas plus loin la piste qui s'ouvre enfin ici :
- Barbara, je me demande comment vous investissez cette belle énergie ?
- Sur les planches ! Avec des amis passionnés de théâtre, comme moi, nous avons le projet d'adapter un film de Chabrol : "L'Ivresse du pouvoir". Je pense maintenant à cette scène où Jeanne, la juge d'instruction, convoque le PdG du groupe industriel. Vous connaissez ?
- J'aimerais beaucoup vous écouter.
Barbara dit alors un long extrait de cette scène de l'audition. Je suis époustouflé, troublé, fasciné aussi. Est-ce bien la même femme qui l'instant d'avant hésitait entre "sous-traiter ou rejoindre une équipe de direction" ?
Je voudrais maintenant travailler avec tout ce qui se présente enfin ! Mais il est largement l'heure de clore la séance. Le regret remplace mon sentiment d'impuissance, comme un autre signe du besoin de conduire le changement.
- Barbara, d'ici notre prochaine séance, je vous propose des travaux dirigés. Imaginez…
Amusée, Barbara m'interrompt :
- Mais qui va diriger qui ?
- Comme dans l'art du thé, je vous laisse le vivre pour le découvrir ! Imaginez que notre relation soit une métaphore de vos "scénarios" professionnels : diriger, sous-traiter… Je vous propose alors…
Barbara m'interrompt encore :
- C'est exactement ça : j'ai décidé de quitter l'entreprise car mon DG et mes collègues voyaient en moi une concurrente !
- Ainsi, pour l'interséance, je vous propose de regarder vos différents projets, la sous-traitance, le salariat, le réseau, sous un angle particulier : le désir, le plaisir… Et, avec cette énergie, vous pouvez vous laisser découvrir d'autres pistes…

Le coach a rendez-vous avec lui-même
Quand le coach rencontre un client, c'est avec lui-même qu'il prend rendez-vous ! Le coaching met au travail le coach, parfois aussi entre les séances…
Ainsi, dans les jours qui suivent, je prends le temps de revoir le film de Chabrol qui met en scène le pouvoir judiciaire, politique, carcérale, économique, amoureux… Avec Isabelle Huppert dans le rôle de la justicière qui écrase les hommes.
Je cherche aussi des cartes et une boussole pour m'orienter : les ressorts de la relation sado-maso, la roue des personnalités appelée aussi "roue des pathologies".
Le coach pratique le non-jugement et, pourtant, sa tentation est grande d'étiqueter le client dans ses tableaux cliniques, ses typologies, les profils de personnalité… Transformé en "profiler", il fait alors l'économie de ses propres fibres névrotiques et prive le client de ses ressources ! J'enlève le jugement sur les jeux destructeurs du pouvoir et j'imagine que le théâtre est pour Barbara un espace pour investir les composantes les plus riches de sa personnalité.
Pendant que le coach spécule, le client chemine de son côté…

La fin de la plainte ?
Un mois plus tard, Barbara commence la séance sur un air de plainte :
- L'envie et la difficulté de mettre fin à un contrat de sous-traitance… Une audition qui a été médiocre… Un fiasco même ! Une pièce de boulevard…
Je profite d'un moment où Barbara suspend son monologue pour aller sur le champ professionnel :
- Et vos projets en réseau ?
- J'hésite… J'ai envie d'arrêter aussi… de tout arrêter…
- Et l'adaptation du film de Chabrol ?
- Un échec aussi ! Je n'incarne pas suffisamment, parait-il, le cynisme de Jeanne, la magistrate !
Barbara a changé de rôle aujourd'hui et pourtant le scénario semble le même : comme un mouvement entre grandiosité et plainte.
Il y a quelques mois encore, j'avais peur d'être "scotché" à la plainte ; comme un déni de ma propre vulnérabilité. Je cherchais alors des clés pour l'interrompre et retrouver le désir du client. Souvent sans succès !
C'est un haut potentiel, en pleine réussite et dans une quête anxieuse de nouveaux défis, qui m'a appris à d'abord écouter sa plainte. Derrière son besoin insatiable de réussite, nous avons mis à jour le désir d'être reconnu par les autres. Un désir sans limites qui cachait aussi une fêlure…
J'ai appris ici que je peux accueillir la plainte sans être pour autant le thérapeute qui "répare".

Maître ou esclave du monde
J'offre à Barbara cette attitude d'accueil. Elle évoque alors la relation avec sa mère et son aversion pour "la plainte lancinante qui la ronge et envahit tout autour d'elle…"
- Et…
- Et je travaille ça avec mon psy !
La réponse a fusé. En m'indiquant qu'elle dispose d'un autre espace d'écoute, Barbara pose ici une frontière dans notre travail !
Je nous sers du thé et Barbara m'adresse un sourire complice. Je reviens dans le champ de notre relation en partageant une "carte" retrouvée dans l'interséance : "être maître ou esclave du monde", "objet du désir de l'autre ou sujet de son propre désir"…
Barbara affiche sa surprise :
- C'est comme si je me baladais entre les deux ?
- Et vous me baladez aussi, Barbara… Mais, vous semblez faire le chemin à moitié seulement ?
- Je ne comprends pas ?
- J'ai la sensation que vous ne m'utilisez qu'à moitié !
- Comment ça ?
- Par exemple, sur le versant "maître du monde", en me demandant de vous servir le thé… seulement le thé… Et, sur votre versant "objet", en invitant ici votre psy… Vous cherchez peut-être à nous faire travailler en réseau ! Comment pourriez-vous aller un pas plus loin, vers l'une ou l'autre polarité, ici ?
Long silence de Barbara, puis :
- Je ne sais pas…
- Moi non plus…
- Que faire alors ?
J'ai l'impression d'être arrivé dans une belle impasse. Certaines impasses s'appellent aussi des villas ! Je crois comprendre maintenant le processus qui s'est installé entre nous, et avec cette conscience, une sensation de confiance… Il est presque l'heure de clore la séance.

A la recherche du désir
- Barbara, il y a une seule question dans laquelle je peux vous accompagner : que désirez-vous dans ce coaching ?
Après un silence :
- Après vos travaux dirigés, je sais ce que je ne désire plus : rejoindre une équipe de direction et travailler en sous-traitance…
- Et ce sont des non-désirs…
- Et alors ?
- Vous avez peut-être besoin du désir de l'autre pour découvrir le vôtre ?
- Oui, mes proches et mon psy me disent que je résiste beaucoup.
- Et vos proches vous résistent. Votre désir est peut-être de diriger une équipe de direction, de sous-traiter…
A l'instant où je propose ces solutions, j'ai l'impression de faire une erreur de "débutant" ! Mais, cette fois, je ne veux pas dépasser l'heure prévue :
- Nous pourrons en parler la prochaine fois.
Soudain, Barbara se mobilise :
- J'ai depuis longtemps un projet essentiel pour moi : créer et animer un réseau de femmes pour qu'elles prennent leur place dans une société qui les met dans la dépendance des hommes !
- Ce sera peut-être notre travail dans un mois : comment vous-même, Barbara, prendrez une autre place dans notre relation…

Prévoir le temps du changement ?
Barbara arrivera dans quelques minutes. Je me demande ce qui se jouera dans cette troisième séance ?
Je remonte dans le temps, lors de notre premier contact au début du printemps. Barbara voulait "faire le tri avant l'été, se désinvestir de ses nombreux projets, partir en vacance l'esprit libre, puis entreprendre à la rentrée". Nous avons alors décidé d'un parcours de quatre séances, une par mois. Aujourd'hui, je trouve ce délai bien ambitieux, irréaliste même ! Mais comment prévoir le temps du changement ?
Depuis un mois, j'ai peu pensé à Barbara ; comme si j'avais lâché toute intention et la pression qui l'accompagne. La sonnette interrompt le fil de mes pensées.
J'accueille Barbara qui prend le temps de s'installer confortablement. Elle me regarde, retourne le pendentif coloré de son collier. Puis, amusée :
- C'est une pierre qui à deux côtés : pile et face. Elle tourne souvent, alors je prends le temps de la replacer, selon mes couleurs du jour…
Puis, comme pour répondre à ma surprise informulée :
- Vous vous demandez peut-être ce qui se joue, entre nous, maintenant ?
- Je cherchais plutôt quel sens donner au collier qui tourne.
- J'ai lu vos écrits et je sais que, pour vous, tout se joue dès les premiers instants !
- Parfois, peut-être… Cela permet alors de jouer ensemble et en conscience. Barbara, qu'attendez-vous de moi aujourd'hui ?
Après un très long silence, sans réponse, je poursuis :
- C'est notre troisième séance ; et vous savez que, si nous le décidons, chacune peut être la dernière. J'ai l'idée que vous pouvez vivre une nouvelle expérience : décider de clore une relation, désinvestir un champ… L'expérimenter, ici, vous permettrait peut-être des avancées ailleurs ?
- Pourquoi pas ! Mais, j'ai lu le livre que vous avez évoqué : "l'Avenir du drame de l'enfant doué". J'ai alors compris mes allers-retours entre mégalomanie et dépression ; et aussi pourquoi je lance de multiples projets que je laisse en suspens…
- De quoi faites-vous l'économie alors ?
- Cela me permet d'être en relation… ou plutôt dans l'illusion de la relation…

Un espace pour l'émotion, ténu et indécidable
Barbara évoque alors les multiples liens qui aujourd'hui l'envahissent, la ligotent et qu'elle ne sait plus détacher. Je pose un pas plus loin :
- Vous faites peut-être aussi l'économie de vous retrouver vous-même…
Pour la première fois, je perçois chez Barbara les prémisses d'une émotion profonde ; comme un masque mis de côté l'espace d'un instant. J'ai la croyance que le changement survient dans ces espaces ténus, ouverts à l'émotion plutôt qu'à la parole. J'ai longtemps cherché comment les trouver, mais ces instants sont indécidables, inattendus…
Nous nous regardons un moment… au-delà du regard… Une question inédite me vient :
- Barbara, que venez-vous chercher chez moi ?
- Une amie m'avait parlé de vous. J'ai découvert vos écrits. Je voulais expérimenter par moi-même "l'art de changer".
- Pour une nouvelle relation ?
Barbara me confie combien de médecins elle a su "utiliser puis user". Je souligne que je ne suis pas médecin. Elle identifie alors un scénario familial, comme une "tradition" pour confronter la maladie… Je me demande quelle maladie de l'âme Barbara cherche à guérir ici.

Comment clore ?
Démuni, je reviens sur l'idée de clore notre parcours. Barbara s'empresse de retracer ses différentes avancées depuis notre premier échange :
- J'ai compris que je suis une "surface de projection" idéale. Mon entourage m'investit d'un pouvoir que je n'ai pas… ou que je ne prends pas… Je cherche aussi à combattre les hommes parce qu'une autre tradition familiale est que l'homme asservisse la femme… Je connais bien maintenant les côtés pile et face de mon scénario.
Je suis touché et surpris par ces découvertes jusqu'alors informulées et, en même temps, j'ai la sensation de tourner en rond, un peu plus. Je ne vois pas ce qui peut changer dans notre relation, sinon répéter ce scénario. La pression du temps ajoute ici à mon sentiment d'impuissance : il nous reste une seule séance et Barbara n'a pas avancé sur son projet professionnel.
Je me souviens de notre premier contact : Barbara souhaitait expérimenter le coaching en groupe, une formule que j'anime pour des créateurs d'entreprise. Elle hésitait, son projet était en devenir, alors j'ai proposé l'individuel.
- Barbara, comme votre pendentif, je crois que nous tournons encore en rond ensemble. Nous avons peut-être fait le tour du coaching individuel. Qu'en est-il de votre envie de travailler en groupe avec des dirigeants ?
- Ce serait un espace de plus où je me donnerais l'illusion d'être en relation. Je saurais aussi jouer un rôle et donner le change !
Barbara me confie alors son envie de travailler avec moi mais sous une forme différente, à inventer ensemble. Surpris et confus, je partage l'image qui me vient :
- Ce serait ajouter un troisième côté au pendentif ? Et celui-ci resterait attaché au collier !
- Non, je pense plutôt au Festival de Cannes : il y a la Quinzaine des jeunes réalisateurs… J'aimerais beaucoup être guidée par vous, à la manière d'un partenaire.
- Barbara, le coaching en groupe a aussi cette fonction, sans le risque de dépendance avec un mentor. Cet espace pour dirigeants vous est ouvert pour avancer sur votre projet.

Nous en sommes restés là, comme entre deux eaux. J'ai proposé à Barbara de m'appeler selon son besoin. Elle m'a écrit quelques jours après son envie de se "mettre en mouvement, construire avec moi et m'a demandé de revoir l'intérêt que je sois son guide, dans une relation à créer ensemble".

Conclusion
Ainsi en coaching, le changement est indécidable ! Indécidable dans sa forme, ses résultats, sa vitesse, son cheminement…
Les seuls changements que le coach peut initier lui appartiennent : faire alliance avec ses démons, traverser ses peurs, changer son regard sur le client… Et quand le coach change, alors un changement peut survenir… Mais à l'improviste, là où le coach ne l'attend pas.
Ainsi, à la fin de la première séance, lorsque je plonge dans ma crainte d'être "asservi", Barbara investit son désir de puissance et met en scène "l'Ivresse du pouvoir". Le thé est sans risque d'ivresse et l'art de le servir est initiatique.
La séance d'après, quand je quitte ma peur de la plainte, Barbara me confie qu'elle a un psy pour l'écouter dans sa vulnérabilité qu'elle redoute aussi. Et elle me fait une autre confidence qui éclaire notre relation : le désir de fédérer les femmes pour combattre les hommes… Un écho aussi à ma peur de l'emprise des femmes !
Mais il serait vain de voir, derrière la succession de ces changements, une savante logique et des liens de cause à effet. Illusoire aussi d'en déduire un guide des bonnes pratiques du changement.
Le changement survient quand il est déjà en devenir dans la relation. Comme deux explorateurs, le client et le coach ouvrent ensemble des pistes selon les résonances qui les relient.
Parfois, la résonance est trop forte pour le coach. Ainsi, au début de la troisième séance, Barbara m'indique qu'elle modélise à la fois ma pratique, notre relation et aussi son "scénario". Je ne vois plus ce qui peut changer, alors je propose d'arrêter l'individuel et d'expérimenter le groupe.
Mon intervention est certes stratégique : expérimenter le retrait sans "user" son partenaire. Et pourtant, la posture stratégique parle aussi d'une limite du coach. Ici, ma difficulté à accueillir le besoin de Barbara d'être accompagnée autrement. Mais sa demande réveille une mémoire ancienne et douloureuse : une position de mentor où j'étais admiré puis rejeté !
L'histoire n'est pas finie…

Pour aller plus loin
La supervision est précieuse pour le coach qui veut déjouer les pièges qu'il pose sur son chemin. Voici mes découvertes, quelques semaines plus tard, en groupe de supervision.
- Ta cliente a peut-être révélé sa fibre paranoïaque ? Et elle a réveillé ton propre désir de contrôle !
Cette question de mon superviseur me fait l'effet d'une douche froide : je me rappelle ma crainte lancinante de ne pas tenir le cadre avec Barbara et mon besoin de maîtrise ! Je comprends aussi que le changement est déjà là et le coaching "réussi" : Barbara a pris conscience de son scénario et cherche une relation authentique, dans un cadre moins contraint, peut-être en terme de rythme ou d'objectif ?
Mais ma peur du mentorat, vu comme un lien de dépendance, m'empêche de questionner sa demande.
- Et si ta peur du mentoring cachait un nouveau désir ?
La question me retourne littéralement, mais je me réfugie derrière un interdit professionnel :
- Mais le coach n'est ni le gourou, ni l'ami du client !!
- L'interdit cache aussi un désir !
C'est à partir d'ici que mon superviseur, à la fois coach, thérapeute et mentor, m'aide à traverser une peur ancienne et les frontières rigides que j'ai tracées entre ces différents champs. Je découvre, avec beaucoup d'émotion, que ce "maître" que j'ai choisi, n'est ni dans l'emprise, ni en position haute ou basse. Il est là simplement, à côté de moi, comme un appui pendant mes traversées délicates pour devenir moi-même… et toujours à ma demande.
Je réalise que j'offre déjà, à d'autres clients, l'espace que Barbara me demande : c'est un espace où chacun me sollicite selon son actualité, ses demandes, à son rythme.
Profondément transformé par cette expérience, j'ai répondu à la demande de Barbara de nous rencontrer. Je la laisse choisir le moment, avant ou après l'été. Avec le plaisir d'être guidé. C'est comme un nouveau passage d'un "coaching du défi" à un accompagnement plus souple, plus ouvert et sans angoisse de performance !