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AOU 09

Passages attachants

Lamartine dit du « livre de la vie » que « le passage attachant ne s'y lit pas deux fois ».
Peut-être que chaque instant de notre vie peut devenir un passage attachant…

C'est une ancienne maison de pêcheur appuyée contre une bâtisse qui, elle, semble avoir moins d'histoire.
Pour la trouver, la femme de l'agence nous a donné le plan du village. Nous nous sommes d'abord égarés dans les ruelles escarpées qui descendent vers la mer.

Délicieuse sensation que de découvrir, seuls, une maison de vacances. Une maison loin du monde. Choisie avec patience par la douce compagne de ma vie qui a l'art de faire de la vie un passage attachant.

Volets bleu marine sur la façade blanche. Fenêtres serties dans la pierre brute. Une date de naissance – du siècle d'avant
gravée dans le granit.
La clé glisse dans la serrure. Premiers pas dans l'entrée. Silence d'une maison qui a une âme. Crépi blanc sur les murs. Le parquet qui craque et grince. L'odeur de la cire.
Devant nous, un escalier en colimaçon. Et, juste en dessous, une porte-fenêtre étroite qui ouvre sur la verdure.
Aller au jardin ou monter aux étages ? Prendre plutôt le temps de la découverte. Le temps de goûter l'instant.
Cuisine ouverte sur le salon. Meubles chinés dans les villages ou les fermes alentours. Photos sépia encadrées sur le mur.
C'est une fée qui a pris le temps de décorer ce lieu. Pour vivre ici le temps des vacances.
Un canapé accueillant. Des livres sur les étagères. Recettes gourmandes et nourritures choisies pour l'esprit : Cantique des plaines, Nancy Huston. La femme sur la plage avec un chien, William Boyd…
Au milieu du jardin, un grand ficus taillé comme un bonsaï. Le parfum de l'herbe fraîchement coupée. Une cave comme une crypte.
Aux étages des photos d'enfants. Moment délicat et complice du choix d'une chambre pour chacun.

Les jours qui ont suivi, le ciel est resté couvert. Alors, l'après-midi, après les fruits de mer ou les poissons choisis sur le port et dégustés au jardin, sur le chemin des douaniers, fil étroit, escarpé, interminable, épousant la courbe de chaque crique, entre le ciel et l'océan, au milieu de la bruyère, des mûriers sauvages et des fougères, à l'aplomb des falaises, en compagnie des mouettes et des martins-pêcheurs, portés par le vent et les embruns, nous marchions. Longtemps.
Délices du bercement continu de nos pas. Rêveries et mouvements de l'âme. Avec la mer comme compagne qui donne la cadence d'une musique sacrée. Babillage de l'un de nous parfois. Longs silences. Abandonnés et reliés au monde. Volupté de l'instant.