27
OCT 09

Vulnérable et surdouée

Il était une fois une jeune femme vulnérable et surdouée. Vulnérable car, pour venir au monde et grandir, elle avait choisi des parents qui avaient posé le sceau du secret sur leur histoire ancienne et leurs blessures. Des blessures de l'âme et du cœur, de l'amour et du rejet.
Le secret fermait l'accès à des racines profondes et des sources vivifiantes où se mêlaient le sang noir des esclaves et le sang bleu des nobles.
Elle était surdouée car les blessures de l'amour donnent aux relations une saveur familière que, dès le premier souffle, les enfants savent deviner. Une saveur douce-amère qu'ils apprennent à goûter sans jamais s'empoisonner. L'enfant en grandissant a voulu prendre soin des maux cachés et des paroles informulées. Elle a tenté de soigner ses parents et sa fratrie. Mais en vain car un enfant ne peut jamais vraiment guérir sa famille.
C'est en allant dans le monde que Marie - c'est son prénom - a découvert un antidote aux maux de l'âme. Mais pas tout de suite !

La jeune femme a d'abord étudié pour tenter de comprendre ce qui mène les hommes et le monde : le pouvoir et l'argent au dehors, la tendresse et la poésie au dedans. Puis elle a choisi un métier où d'autres humains lui demandaient comment décrocher les étoiles. Engagés dans des quêtes illusoires, ils semblaient aussi sans mémoire ni racines.
De Lyon à Bruxelles, de Paris à Moscou, les entreprises l'appelaient pour changer ce qui ne pouvait changer. Elle avait l'art de saisir l'implicite, nommer les tabous et créer des remèdes pour ces aventuriers modernes. Mais ces remèdes n'agissaient que le temps de sa présence.
C'était comme si, pour retrouver ses racines, Marie tricotait, ici et là, les mailles d'un lien déchiré. Comme si, pour nourrir son besoin ancien de soigner sa tribu, Marie multipliait les tribus professionnelles. Mais en vain car pour vraiment prendre soin de l'autre, il faut d'abord prendre soin de soi.
Cela a duré quinze années.

Ce sont les maux du corps qui ont arrêté Marie dans sa course folle. Elle ne pouvait plus courir ni écrire. C'était une maladie auto-immune. Alors elle est allée de médecin en laboratoire, de généraliste en spécialiste. Certains, plutôt que l'écouter, l'envoyaient à l'hôpital. D'autres lui confiaient leurs maux personnels.
Ses enfants lui ont dit : « Si tu sais déclencher cette maladie, peut-être sais-tu comment guérir ? » Et c'est un médecin qui, avec son regard, ses silences et ses mots, a su prendre soin d'elle. Elle a peu à peu guéri. Elle a voulu le revoir. Mais il s'était tué après un accident d'amour.

Depuis lors, Marie a compris que c'est la présence qui soigne. Elle est retournée à l'école. A l'école des artisans de la relation à soi et aux autres. Elle a aussi pris le temps de se laisser accompagner, de descendre au fond d'elle-même, au fond du cœur.

Aujourd'hui elle aime marcher en forêt. Elle rencontre des biches et écrit des histoires intimes. Elle accompagne toujours ceux qui veulent décrocher des étoiles. Mais elle leur apprend à les découvrir au dedans d'eux-mêmes.

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